L’Ukraine, dotée d’importantes ressources naturelles, attire l’attention internationale en raison de ses réserves de métaux stratégiques tels que le fer, le manganèse, le titane et l’uranium. Depuis 2008, les intérêts de l’Union européenne (UE), des États-Unis et de la Russie se sont intensifiés autour de ces ressources, souvent en lien avec des problématiques de corruption systémique qui affectent le pays.

Contexte économique et géopolitique

L’économie ukrainienne a été marquée par des crises successives, notamment celle de 2008-2009, qui a vu son PIB chuter de près de 15 %. Malgré ces défis, l’Ukraine reste un acteur clé dans le secteur minier mondial. Les réserves de minerai de fer sont estimées à 28 milliards de tonnes, plaçant l’Ukraine au cinquième rang mondial pour les réserves en fer et en manganèse. En outre, des gisements significatifs de gaz de schiste ont été découverts, notamment à Yuzivska, représentant un tiers de la consommation annuelle de gaz du pays. (3)

Corruption systémique et exploitation des ressources

La corruption est un problème endémique en Ukraine, touchant divers secteurs, y compris celui des ressources minières. Selon un rapport de l’UE, la corruption est présente à toutes les étapes de la chaîne d’approvisionnement minière, impliquant souvent des fonctionnaires publics dans des activités illégales telles que la falsification de documents

(1) Cette culture généralisée a contribué à une mauvaise gestion des ressources et à un manque d’investissements étrangers malgré les promesses de réformes.Les oligarques ukrainiens ont historiquement profité du système corrompu pour s’accaparer les richesses du pays. En 2008, la richesse combinée des cinquante personnes les plus riches d’Ukraine représentait 85 % du PIB du pays. (5)

Le ministre des Ressources de l’époque, Mykola Zlochevsky, était également président d’une grande société gazière, Burisma Holdings, illustrant les liens étroits entre politique et affaires. (3)

Intérêts de l’Union Européenne

L’UE cherche à diversifier ses sources d’approvisionnement en matières premières pour réduire sa dépendance vis-à-vis des fournisseurs russes. En juillet 2021, elle a établi un partenariat avec l’Ukraine pour renforcer la coopération dans le domaine des métaux stratégiques et des batteries. Ce partenariat vise à sécuriser l’approvisionnement en matières premières essentielles pour l’industrie européenne. (3) Cependant, la corruption persistante complique ces efforts.

Intérêts des États-Unis

Les États-Unis ont également manifesté un intérêt marqué pour les ressources ukrainiennes. Après la Révolution de la dignité en 2014, Washington a soutenu des initiatives visant à développer le secteur énergétique et minier ukrainien. Des entreprises américaines comme ExxonMobil et Chevron ont obtenu des permis d’exploration avant que la situation géopolitique ne se détériore. (3) Toutefois, ces initiatives sont souvent entachées par les problèmes de corruption qui continuent d’affecter le climat d’investissement.

Intérêts de la Fédération de Russie

Pour la Russie, le contrôle des ressources minières ukrainiennes est crucial tant sur le plan économique que stratégique. Depuis 2014, Moscou a renforcé sa présence dans les régions orientales d’Ukraine et a pris possession de plusieurs mines stratégiques. Selon SecDev, la Russie aurait pris possession de 41 mines de charbon et d’une dizaine de gisements miniers depuis le début du conflit en 2022. (3)

La guerre en Ukraine est ainsi perçue comme une lutte pour le contrôle des richesses naturelles du pays. Les gisements miniers ukrainiens sont estimés à une valeur totale pouvant atteindre 7 500 milliards de dollars, (3) ce qui souligne leur importance dans le contexte géopolitique actuel.

Les intérêts divergents de l’Europe, des États-Unis et de la Russie concernant les ressources minières ukrainiennes révèlent une complexité géopolitique exacerbée par la corruption systémique dans le pays. L’Ukraine se trouve au cœur d’une lutte stratégique pour ses richesses naturelles, avec des implications profondes pour sa souveraineté nationale et son avenir économique. Le développement durable du secteur minier ukrainien pourrait jouer un rôle clé dans son intégration future au sein des structures européennes et occidentales tout en nécessitant une lutte continue contre la corruption qui gangrène ses institutions.

Le lithium ukrainien : un enjeu stratégique

Les ressources en lithium de l’Ukraine ont récemment attiré l’attention internationale, ajoutant une dimension supplémentaire aux intérêts géopolitiques dans la région. Selon des chercheurs de l’Académie nationale des sciences ukrainienne, l’Ukraine a le potentiel de devenir l’un des principaux producteurs de lithium au monde. (6)

. Les principales réserves de ce métal, surnommé « or blanc », se trouvent dans la région du Donbass et dans une zone appelée « Bouclier ukrainien » au centre du pays. Les gisements ukrainiens pourraient contenir jusqu’à 500 000 tonnes d’oxyde de lithium, sous diverses formes.(6)

.L’importance stratégique de ces réserves est soulignée par l’explosion de la demande mondiale en lithium, essentiel pour la production de batteries pour véhicules électriques et d’autres technologies de la transition énergétique. Le prix du lithium a augmenté de plus de 440% en une seule année, reflétant cette demande croissante. (6)

. Dans ce contexte, plusieurs acteurs internationaux ont manifesté leur intérêt pour l’exploitation de ces ressources.Deux entreprises, la chinoise Chengxin Lithium et l’australienne European Lithium, ont annoncé en novembre leur intention de soumissionner pour des permis d’exploration des gisements de Shevchenkivske dans le Donbass et de Dobra dans le « bouclier ukrainien ».(6)

. Ces gisements présentent des concentrations significatives d’oxyde de lithium, allant de 0,86% à 1,38%.

.Pour l’Union européenne, ces gisements représentent une opportunité de réduire sa dépendance aux importations de lithium, qui constituent actuellement 87% de sa demande totale.

. Cette ressource pourrait jouer un rôle crucial dans la transition énergétique européenne, alors que les besoins en terres rares de l’Europe devraient être multipliés par dix d’ici 2050.

Les acteurs en place

Plusieurs acteurs miniers et consortiums sont déjà impliqués dans l’exploitation ou l’exploration des ressources minières en Ukraine, en particulier pour les métaux et terres rares essentiels à la transition énergétique occidentale :

  1. European Lithium : Cette société autrichienne a obtenu en 2021 les droits d’exploitation des gisements de lithium ukrainiens, dont celui de Shevchenkivske dans le Donbass. (1)
  2. Volt Resources : Cette entreprise australienne s’est vu attribuer les mines de graphite de la région de Mykolaïev, dans le sud de l’Ukraine. (1)
  3. Velta Resources : Cette joint-venture ukraino-américaine exploite désormais les gisements de titane du pays, après que le géant russe DF en a été dessaisi suite à l’annexion de la Crimée. (1)
  4. Metinvest et Glencore : En 2019, Metinvest, société métallurgique appartenant à Rinat Akhmetov (l’homme le plus riche d’Ukraine), s’est associée au géant suisse Glencore pour exploiter l’un des principaux gisements de fer du pays à Shymanivske, près de Zaporijia. (1)
  5. EDF et ENI : Ces groupes français et italien ont signé en 2013 un accord pour l’exploitation d’hydrocarbures à l’est de la Crimée, visant à produire 3 millions de tonnes de pétrole par an. Cependant, ce projet a été suspendu suite à l’annexion de la Crimée. (1)
  6. Shell, Chevron et ExxonMobil : Ces compagnies américaines avaient obtenu des permis d’exploration pour des gisements de gaz de schiste et d’hydrocarbures en mer Noire entre 2012 et 2013. Toutefois, la plupart de ces projets ont été abandonnés ou suspendus en raison des conflits géopolitiques (1).

L’Union européenne a également conclu un partenariat stratégique avec l’Ukraine en juillet 2021 pour les métaux stratégiques et les batteries, visant à intégrer l’Ukraine dans la chaîne de valeur émergente des batteries. (2)

Ce partenariat implique potentiellement de nombreuses entreprises européennes, bien que les détails spécifiques ne soient pas mentionnés dans les sources fournies.Il est important de noter que la situation géopolitique actuelle a considérablement perturbé les activités d’extraction et d’exploration. Selon les estimations, la Russie aurait pris le contrôle de nombreux sites stratégiques depuis le début du conflit en 2022, y compris 41 mines de charbon, une cinquantaine de sites gaziers et pétroliers, et une dizaine de gisements miniers stratégiques. (1)

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